Jean-Philippe TOUSSAINT
// J'ai arrêté de regarder la télévision. J'ai arrêté d'un coup, définitivement, plus une émission, pas même le sport. J'ai arrêté il y a un peu plus de six mois, fin Juillet, juste après la fin du Tour de France. J'ai regardé comme tout le monde la retransmission de la dernière étape du Tour de France dans mon appartement de Berlin [...]. Je revois très bien le geste que j'ai accompli alors, un geste très simple, très souple, mille fois répété, mon bras qui s'allonge et qui appuie sur le bouton, l'image qui implose et disparaît de l'écran. C'était fini, je n'ai plus jamais regardé la télévision.
// [...] j'étais revenu vers Delon, qui m'attendait à côté de son chariot, et j'avais dit - je ne sais pas si toutes les paroles que j'ai prononcées à Berlin lors de ce séjour doivent être rapportées aussi fidèlement - porte vingt-huit. Tu es sûr ? avait dit Delon. J'avais un petit doute, du coup. Porte vingt-huit, oui (j'étais retourné vérifier).
// Parfois, [quand] je nageais [...], il m'arrivait d'entendre la porte du vestiaire s'ouvrir à côté de moi, et, levant machinalement les yeux sur le nouvel arrivant, comme on relève la tête de son livre dans une bibliothèque pour regarder la jeune femme qui vient d'entrer et la suivre un instant des yeux d'un regard rêveur en en tombant brièvement amoureux (avant de replonger la tête dans son livre et de reprendre sa lecture en soupirant), je reconnaissais avec une ombre de désagrément ce qu'il faut bien appeler un crawleur.
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