La Télévision

Jean-Philippe TOUSSAINT

// J'ai arrêté de regarder la télévision. J'ai arrêté d'un coup, définitivement, plus une émission, pas même le sport. J'ai arrêté il y a un peu plus de six mois, fin Juillet, juste après la fin du Tour de France. J'ai regardé comme tout le monde la retransmission de la dernière étape du Tour de France dans mon appartement de Berlin [...]. Je revois très bien le geste que j'ai accompli alors, un geste très simple, très souple, mille fois répété, mon bras qui s'allonge et qui appuie sur le bouton, l'image qui implose et disparaît de l'écran. C'était fini, je n'ai plus jamais regardé la télévision.

// [...] j'étais revenu vers Delon, qui m'attendait à côté de son chariot, et j'avais dit - je ne sais pas si toutes les paroles que j'ai prononcées à Berlin lors de ce séjour doivent être rapportées aussi fidèlement - porte vingt-huit. Tu es sûr ? avait dit Delon. J'avais un petit doute, du coup. Porte vingt-huit, oui (j'étais retourné vérifier).

// Parfois, [quand] je nageais [...], il m'arrivait d'entendre la porte du vestiaire s'ouvrir à côté de moi, et, levant machinalement les yeux sur le nouvel arrivant, comme on relève la tête de son livre dans une bibliothèque pour regarder la jeune femme qui vient d'entrer et la suivre un instant des yeux d'un regard rêveur en en tombant brièvement amoureux (avant de replonger la tête dans son livre et de reprendre sa lecture en soupirant), je reconnaissais avec une ombre de désagrément ce qu'il faut bien appeler un crawleur.

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Tu comprendras quand tu seras plus grande

Virginie GRIMALDI

// Isabelle mérite la deuxième partie de son prénom. Elle a de longs cils noirs plantés sur des yeux verts et un sourire que même les caries ne doivent pas oser attaquer. Manifestement, les fées qui se sont penchées sur son berceau venaient d'avoir une augmentation.

// Je vais mourir. Ma gorge est un immense brasier, je suis en train de me consumer de l'intérieur. Je pense que les petits bonhommes de Il était une fois la vie se sont donné rendez-vous dans mon larynx pour y faire un feu de camp, pendant que d'autres jouent aux fléchettes avec mes bronches.

// Les salles d'attente des urgences ne s'encombrent pas de lectures intéressantes. À quoi bon ? Les gens y sont tellement inquiets qu'ils peuvent lire le règlement en boucle ou compter les carreaux, pourvu que leurs pensées soient concentrées sur autre chose que leurs symptômes.

// Je n'aime rien tant que les jours où je n'ai pas besoin de mettre de réveil. Laisser mon cerveau émerger quand il l'entend, prendre le temps de m'étirer, parfois me rendormir ou rester à ne rien faire.

// Corinne reprend la lettre de sa mère et la caresse. L'encre posée sur le papier a ce pouvoir de relier le passé et le présent, celui qui écrit et celui qui lit.

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